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Décembre 2014

Pour bien finir l'année, je vous propose une petite nouvelle écrite en quelques heures. Ne soyez pas effrayé. Car, contrairement à ce qu'on pourrait croire, c'est peut-être une petite lueur d'espoir

                                                  SUZIE

Putain, l'année 2015 commence comme a fini l'année 2014. Seul, dans mon trou à Rat, sans aucun ami ou voisin pour me souhaiter la bonne année. Quelle connerie cette bonne année. On sait tous qu'elle sera bonne pour certains et pourrie pour d'autres. Ouais, y en a qui vont crever sans savoir pourquoi à un âge où l'on n'y croit même pas ou continuer à se morfondre dans leur misère nauséeuse et d'autres qui vont s'en mettre plein les fouilles, se coltiner des canons et se bâfrer à se faire exploser le bide.
Moi, vous inquiétez pas, je fais partie du premier groupe. Ceux à qui rien de bon arrive. Alors votre bonne année, je m'en tape.
Je suis là, dans mon studio envahi de meubles de récupération (merci Emmaüs) à me contenter d'une tranche de saumon au rabais (grâce à la date de péremption courte) et d'un mousseux plutôt aigre autour d'une table ou sur les trois autres chaises, personne n'a posé son petit cul.
Aucun invité. Nada. Personne ne veut partager le nouvel an des pauvres, des ratés.
J'ai bien pensé faire un tour pour dénicher une fille au bois, moyennant monnaie. Mais par ce temps glacial, je n'ai aucune envie de sortir la petite bête en plein courant d'air (car je n'ai pas les moyens de me payer des putes avec chambre d'hôtel inclus).
Alors, je suis seul, comme depuis de nombreuses années, à regarder la télé et ses débilités pour mettre un peu d'ambiance. Mais même la télé me gonfle. Alors je fais quoi......

J'ai bien envie de me trucider un gonze.
Quelle idée saugrenue me direz-vous?
Et pourtant, ce n'est pas la première fois. Ouais mes gaillards. C'est la troisième année que je fête le nouvel an d'une façon vraiment originale, vous en conviendrez: Me dézinguer un passant. N'importe lequel. Au hasard. Un truc sans risque le soir du réveillon. Je cherche un paumé qui a bien éclusé et je l'envoie «Ad Mortem Eternam » (je ne sais pas si c'est la phrase exacte), en enfer ou au paradis. Je m'en fous où il va. C'est mon délire à moi pour fêter l'année nouvelle: Un trou du cul de moins sur terre. Je n'aurai pas plus d'argent, ni de filles mais au moins, ça occupe de refroidir un gonze.
Attention, ce n'est pas si facile. Cela demande de la technique. L'année dernière, j'ai choisi un jeune étudiant paumé qui avait visiblement dépassé sa dose prescrite d'alcool. Il titubait le long des voies du chemin de fer. Alors je l'ai accompagné tranquillement pour qu'il ne s'égare pas. Je lui ai montré le chemin. Il a suivi la voie que je lui préconisais.....ouais sur la voie...Ah Ah...en plein milieu. À cette heure-ci de la nuit, je ne pensais pas qu'il y avait des trains pardi....
Minuit vient de sonner. Je lève un toast à la santé de l'abruti qui va croiser mon chemin et la perdre, sa santé.

Presque trois heures. L'heure ultime des paumés. Ceux qui rentrent chez eux dans un sale état parce qu'ils n'ont trouvé aucun hôte charitable les laissant dormir au domicile. Mes proies sont disponibles. À moi  de bien choisir la cible. Celle qui sera, Oh malheur, victime d'un accident fortuit la nuit du nouvel an. Quelle malchance geindra son entourage ou les amis qui l'ont laissé repartir dans un état proche de l'Ohio (comme dirait la chanson). Ils s'en voudront quelques mois. Puis l'habitude d'oublier les morts (sauf le 1er novembre, tradition s'il vous plaît) reprendra ses droits.

Oh que vois-je là-bas. Une silhouette bien frêle qui semble tituber près du canal. Quelle aubaine. Je m'approche sans bruit. Juste une petite poussette dans l'eau glaciale et même si l'individu gueule qu'il se noie, il n'y a pas âme qui vive dans le coin.
- Que faites-vous à me suivre ?
Merde, une femme. Je ne tue pas les femmes. Par principe.
- Excusez-moi mademoiselle, je ne voulais pas vous faire peur.
- Vous ne me faites pas peur. Laissez-moi
- Vous êtes seule?
- Oui, je suis seule...et alors...Vous voulez peut-être m'inviter chez vous.
- Euh..
- Laissez tomber, laissez-moi s'il vous plaît.
Elle s'en va. Elle a l'air totalement abandonnée.
- Mademoiselle, excusez-moi, moi aussi je suis seul. Si vous voulez, en toute amitié, je peux vous offrir de quoi dormir au chaud ce soir
Elle hésite
- OK pourquoi pas, plutôt que de geler.
- C'est comment votre petit nom?
- Suzie.


LaurCéli
03 Janvier 2015

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